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L’évolution de l'armement de 1871 à 1914
 
La période d'une quarantaine d'années, s'étendant de 1871 à 1914 assiste à des progrès considérables dans l'armement, avec l'apparition des armes à tir rapide (fusil et canon), des armes automatiques d'infanterie, et de l'artillerie lourde de campagne.
 
Les créations du fusil à tir rapide (né de l'invention du système à répétition ainsi que de l'emploi de la poudre sans fumée) et plus tard de la mitrailleuse, première arme automatique, entraînent un accroissement considérable de la puissance de feu de l'infanterie. L'apparition du canon à tir rapide (né de l'invention du frein hydropneumatique absorbant le recul et supprimant le dépointage) engendre un accroissement tout aussi considérable de la vitesse du tir de l'artillerie et donc de sa puissance.
 
C'est encore la puissance qui caractérise le troisième progrès réalisé par l'adoption d'un matériel d'artillerie lourde de campagne, mais la France, trop confiante dans son canon de 75 à tir rapide, ne croit pas devoir suivre l'Allemagne dans cette voie. Cet excès de confiance, et aussi l'opposition des milieux parlementaires à une augmentation des dépenses militaires, mettront l'armée française de 1914 dans un état de nette infériorité, sur ce point, vis à vis de l'Allemagne.
 
 
L'armement de l'infanterie
 
L'évolution de l'armement de l'infanterie pendant cette période est orientée vers la recherche d'une plus grande vitesse de tir et d'une plus grande portée. Il en résulte que la puissance du feu augmente sans cesse.
Cette évolution, qui commence avec les perfectionnements apportés par le fusil Gras modèle 1874 à l'arme à tir accéléré, se prolonge avec le fusil à tir rapide modèle 1886 et s'achève avec la mitrailleuse, arme automatique.
 
Le fusil Gras est un perfectionnement du fusil Chassepot (cartouche métallique, système d'extraction, percuteur à ressort). Sa trajectoire est plus tendue. Il tire 9 coups à la minute au lieu de 5 à 7 pour ses prédécesseurs. Sa portée maxima est de 1.800 mètres (au lieu de 1200 m) et son calibre reste identique, 11 mm. L'approvisionnement individuel règlementaire est de 78 cartouches.
 
Au point de vue de l'armement de l'infanterie, les années 1884 et 1886 sont marquées par deux grands événements. L'invention de la poudre sans fumée, due à l'ingénieur Vieille, et l'introduction de la répétition dans le mécanisme du fusil. L'emploi de la poudre sans fumée, qui n'obscurcit pas l'horizon du tireur, autorise l'accélération du tir que permet le mécanisme à répétition.
 
Modifié en 1893, le fusil Lebel Mle 1886 est la première arme française à tir rapide. Sa vitesse de tir est de 14 à 20 coups à la minute suivant l'habileté du tireur. La trajectoire du tir est plus tendue, augmentant la zone dangereuse. La portée efficace atteint 2.000 m. Enfin la réduction du calibre de 11 à 8 mm permet d'augmenter l'approvisionnement individuel, porté à 120 cartouches.
 
La fabrication du fusil Lebel cesse à partir de 1902. Vers 1907 débute pour l'armée coloniale la construction du fusil à chargeurs, qui devait être le fusil modèle 1907 - 1915. Mais on recule devant les dépenses qu'aurait occasionnées le renouvellement de l'arme de l'infanterie, et c'est avec le fusil Lebel que cette dernière commence la guerre en 1914. Les premiers engagements où il est fait usage de fusils à tir rapide, sont la guerre du Transvaal et la guerre de Mandchourie.
 
 
La mitrailleuse, première arme automatique
 
L'automatisme supprime l'intervention du tireur pour les divers mouvements à effectuer, en utilisant la force d'expansion des gaz au départ du coup. Le tireur n'a plus qu'à maintenir la ligne de mire sur l'objectif. Le débit des armes portatives fait un bond formidable en passant de 18 coups à la minute (fusil à répétition) aux environs de 500 coups. Certaines mitrailleuses atteindront même 1200 à 2000 coups, et seul le réchauffement du tube restreindra ces débits à une vitesse pratique de 250 à 500 coups. Inventée en 1883 en Angleterre par Maxim, la mitrailleuse, révélera sa puissance de feu pendant la guerre russo-japonaise de 1905.
 
La France entre en guerre en 1914 avec 4 types d'arme automatique. La mitrailleuse de campagne réglementaire est la Saint-Etienne modèle 1907. Trois autres type (Hotchkiss 1900, Puteaux 1905 et Hotchkiss 1909 - 1912) servent à l'armement des places fortes. A la mitrailleuse Saint-Etienne, merveille de mécanisme, beaucoup préfèrent la Hotchkiss, plus simple et plus robuste. L'expérience de la guerre leur donnera raison. II faut noter qu'en France plus de la moitié des mitrailleuses est affectée au service des places, ce qui montre la conception qu'on se fait de leur emploi. De leurs cotés, l'Allemagne et l'Italie utilisent la mitrailleuse Maxim, l'Angleterre la mitrailleuse Vickers.
 
 
L'armement de l'artillerie
 
Au point de vue de l'Artillerie la période qui s'étend de 1871 à 1914 est marquée .par les énormes progrès accomplis dans la fabrication des bouches à feu, de la poudre, des projectiles, des fusées et des affûts. Mais elle est surtout dominée par deux faits capitaux. Tout d'abord l'adoption par la France d'un canon à tir rapide alors que l'Allemagne ne possède encore qu'un canon à tir accéléré, et l'adoption par l'Allemagne d'une artillerie lourde de campagne alors que la France considère son canon de 75 comme apte à toutes les besognes de la guerre de campagne.
 
L'adoption du canon de 75 français est une révolution, mais elle ne date que de 1895. Entre 1871 et 1895 s'étend une période de transition qui voit les derniers perfectionnements de l'artillerie à tir accéléré. Il importe de les connaître, car, faute d'une artillerie lourde moderne, la France sera contrainte en 1914 - 1915 d'utiliser les nombreux matériels de cette époque de transition.
 
D'une façon générale l'expérience de la guerre franco allemande de 1870 - 1871 conduit, en France comme ailleurs, à la recherche d'une plus grande puissance, ce qui, jusqu'en 1895, entraîne une diminution de la mobilité.
 
Ayant armé quelques batteries vers la fin de la guerre de 1870 - 1871, les canons de Reffye de 5 et de 7 (poids du projectile exprimé en Kgs) sont fabriqués en bronze et se chargeant par la culasse. Leur portée atteint 5.800 mètres.
 
Le canon de 95 Lahitolle, adopté en 1875 est la première pièce française en acier. Il sacrifie la mobilité à la puissance car il est trop lourd pour un matériel de campagne (2.300 Kg). Sa portée est de 7.000 mètres.
 
Adopté en 1878, le système de Bange est remarquable pour l'époque, en particulier pour la qualité des tubes, et la précision des pièces. II comprend des canons de campagne de 90 mm (portée 6.500 mètres), et de 80 mm, un canon de montage de 80 mm et tout une gamme de canons de siège et de place (120 L mle 1878, 155 L mle 1877, 155 C mle 1881) dont la portée dépasse 8.000 mètres. L'illustration ci-contre montre une pièce de 90 mm de Bange, saisie au musée de l'artillerie de Draguignan
 
Le matériel allemand de 77 mm quoique créé en 1896, soit 20 ans après les canons de Bange, ne leur est pas sensiblement supérieur. L'apparition en 1897 du canon de 75 français à tir rapide provoquera sa modification en 1904.
 
Le premier canon muni d'un frein hydropneumatique entre le tube et l'affût est le 120 court Baquet, adopté en 1890. La réalisation est encore peu satisfaisante et la vitesse de tir n'est que de 2 coups à la minute. Sa portée (5800 mètres) se révèlera insuffisante en 1914, face à l'artillerie lourde allemande.
 
En 1897 apparaît le canon de 75 français (du à Déport et à Sainte-Claire Deville). Sa conception et sa fabrication ont jusque là pu être tenue secrète. C'est un chef d'œuvre technique permettant de dépasser une cadence de tir de 12 coups à la minute. Il intègre de nombreux perfectionnements comme un frein hydropneumatique remarquable, une cartouche métallique réunissant charge et projectile, un débouchoir, le   coulissement de l'affût sur l'essieu, et un système permettant le pointage indirect.
 
Le système de pointage indirect permet de masquer les batteries des vues de l'ennemi et l'augmentation de puissance due à la cadence de tir, permet de réduire de 6 à 4 le nombre des pièces d'une batterie, devenant l'unité de tir. Grace à cette pièce, la souplesse et la puissance de l'artillerie française font un spectaculaire bon en avant.
 

Les conséquences de l'adoption du canon 75 Mle 1897
 
Les conséquences de l'adoption du canon de 75 par la France sont capitales. L'Allemagne va être amenée à modifier en 1904 son canon de 77, et surtout à créer une artillerie lourde. En revanche, la France se montre trop confiante dans son matériel de 75 et va négliger l'artillerie lourde.
 
Le canon de 77 allemand à tir rapide n'est qu'une modification du 77 mle 1896. Il est très inférieur au 75 français, son frein est médiocre et le pointage indirect reste compliqué car le pointeur doit donner à lui seul l'angle de site, l'angle de tir, et la correction de hauteur d'éclatement. De plus, la pièce se dépointe au tir et la charge est séparée de l'obus. En conséquence, la vitesse de tir ne dépasse pas 6 coups à la minute.
 
Constatant l'infériorité marquante de leur 77 et devant l'impossibilité de cette pièce à trajectoire tendue de contrebattre les positions défilées du 75, l'Allemagne tourne ses efforts entre 1897 et 1914 vers la constitution d'une artillerie lourde. Elle met successivement en service les matériels suivants:
 
Date                Matériel                                               Portée     Cadence
1898 m 1904   obusier de campagne de 105 mm    
  6.400 m  4 coups minute
1902               obusier lourd de 150 mm                7.500 m  2 coups minute
1910               mortier de 210 mm                        9.400 m         
1910               canon long de 130 mm                  14.500 m
1914               canon long de 100 mm                  14.500 m
           
Mis à part les vieux canons de Bange et Baquet, la France n'oppose en 1914, qu'un seul canon lourd à tir rapide à la puissante et nombreuse artillerie lourde allemande. C'est le 155 C Rirnaleno mle 1914 dont la portée maxima n'est que de 6.300 mètres. Ce n'est qu'en 1911 qu'un obusier de campagne et un canon long de calibre moyen sont étudiés. Seul le canon (105 L Schneider), sera adopté en 1913 mais il n'existera que quelques exemplaires terminés au début de la guerre. Les essais de la plaquette Malandrin, permettant d'augmenter la courbure de la trajectoire du 75 (au prix d'ailleurs d'une diminution de portée), ont fait rejeter l'adoption d'un obusier de campagne.
 
 
La situation au 2 août 1914
 
La situation respective des deux artilleries le 2 Août 1914 peut se résumer par la supériorité française en artillerie légère de campagne, et celle de l'Allemagne en artillerie lourde. En Artillerie de Campagne la supériorité française est très nette. Le corps d'armée français comprend 30 batteries de 4 pièces de 75 (soit 120 canons) contre 18 batteries de 6 canons de 77 et 6 batteries de 6 obusiers de 105 (soit 108 canons de 77 et 36 obusiers de 105) pour son homologue allemand.
 
Du coté du Reich, cette dotation n'est pas toujours effective au début de la guerre de 1914 et la supériorité française dans la période de mouvements jouera alors pleinement. Etant donné la supériorité du matériel français, on peut admettre que la batterie de 75 à 4 pièces vaut la batterie de 77 à 6 pièces.
 
En revanche, en artillerie lourde, la supériorité allemande est incontestable. Chaque fois qu'elle pourra arriver en ligne et être ravitaillée, ce qui ne sera pas toujours le cas pendant la période de mouvements, l'artillerie lourde allemande va rétablir l'équilibre.
 
Le corps d'armée allemand comprend 16 obusiers lourds de 150 (portée 7.500m) tandis que l'armée dispose d'un nombre variable de groupes de mortiers de 210, et de canons longs de 100, 130, ou 150 portant de 9.000 à 14.500 m. Au total l'armée allemande oppose à la France environ 2.000 obusiers lourds ou mortiers.
 
Dans l'armée française, il n'existe pas d'artillerie lourde à l'échelon du corps d'armée. Il faut arriver à celui de l'armée pour y trouver un certain nombre de groupes d'artillerie lourde (3, 4 ou 5 groupes par armée), pour un total de 358 canons lourds en service dans l'armée de campagne.
 
II existe cependant dans nos arsenaux près de 11.000 pièces de Bange de tous calibres (80, 90, 120, 270) avec 4.700.000 obus. Faute de pièces modernes, ces armes constitueront le gros de notre artillerie lourde de 1914 à 1917.


 
 
 



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