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L’évolution des moyens de combat
entre 1815 et 1870
 
La période de 1815 à 1870 est marquée par deux progrès considérables dans l'évolution de l'armement, la rayure des canons et le chargement par la culasse. Mais si la rayure est adoptée simultanément dans l'armement de l'infanterie et celui de l'artillerie, entre 1857 et 1858, il n'en est pas de même pour le chargement par la culasse.

Ce perfectionnement, extrêmement important en ce qui concerne le tir, ne fut adopté en France que pour le fusil en 1866, si bien qu'en 1870 notre matériel d'artillerie se chargeait encore par la bouche.
 
Après 1815 et jusqu'à l'apparition des armes rayées, on entre dans une phase d'études et d'expériences. L'industrie réalise quelques progrès. Les découvertes de la chimie sont mises à profit, en particulier grâce aux fulminates, mais l'activité des ingénieurs se porte surtout sur l'étude scientifique des propriétés de l'arme, de la poudre et des projectiles qui, jusqu'alors, n'avaient fait l'objet que de simples observations empiriques.
 
Pendant cette phase, si le fusil fait encore quelques progrès techniques, les bouches à feu restent stationnaires. Les améliorations portent exclusivement sur les voitures, en particulier sur leur mode de liaison, et l'artillerie de campagne gagne encore en mobilité. En somme les armes lisses atteignent le suprême degré de perfection, compatible avec l'état de la science et de l'industrie.
 

Durant la seconde phase, commençant avec l'adoption des armes rayées, entre 1857 et 1858 et s’étendant jusqu'en 1870, on met à profit les études et découvertes des savants sur la balistique. Des progrès décisifs sont réalisés dans la fabrication des armes. Mais la France est devancée dans ce domaine par la Prusse qui en 1870 dispose d'une artillerie très supérieure à celle des Français.
 
Malgré les derniers perfectionnements apportés aux armes à canons lisses, elles vont disparaitre au profit de celles disposant de canons rayés, événement majeur dans l'évolution de l'armement. Les principes fondateurs de cette technique sont encore en vigueur de nos jours.
 
 
L’armement de l’infanterie

Entre 1815 et 1842, les derniers perfectionnements du fusil lisse apparaissent. 
Avec le fusil modèle 1842, l'emploi de la capsule à fulminate de mercure remplace l'ancienne poudre d'amorçage et entraîne une diminution considérable du nombre des ratés, chutant à un coup sur 300 par temps sec, et un sur 30 par temps humide.
 
Puis le premier fusil rayé français apparait, le modèle 1857. Il se charge toujours par la bouche mais utilise une balle oblongue, la balle expansive Minié, reposant sur le principe de la dilatation de la base du projectile contre le rayage du canon provoquée par l'explosion de la charge propulsive. La précision et l
a portée efficace, pouvant atteindre 800 mètres, en sont considérablement augmentées. Mais, probablement par crainte de complications et pour ne pas mettre une hausse complexe dans les mains d'hommes illettrés, l'arme ne dispose que d'une ligne de mire pour une distance de 150 mètres. La portée potentielle de l’arme est donc très mal utilisée. Le fusil modèle 1857 sera en dotation lors de la campagne d'Italie de 1859.
 
Si les rayures augmentent la précision et la portée, le chargement par la culasse augmente la cadence de tir car ce système diminue les mouvements nécessaires au chargement. Il possède également l’avantage d'autoriser le tir en position couchée. Le tireur représente ainsi  une cible beaucoup plus difficile à atteindre par le feu adverse et il peut se dissimuler tout en conservant la possibilité de tirer.
 

En 1841, l'armée prussiène est la première au monde à distribuer une arme à chargement par la culasse à ses troupes avec le fusil Dreyse. Il est équipé d’une culasse mobile et tire des cartouches complètes. Le principe de fonctionnement repose sur un percuteur à aiguille pénétrant dans la cartouche afin de frapper l'amorce qu'elle contient. C'est avec cette arme, modifié en 1862, que le Prusse fera la guerre contre l'Autriche en 1866 et contre la France quatre ans plus tard. Le fusil Dreyse peut tirer 6 coups à la minute et sa portée maximum efficace est de 600 mètres. Il est assez lourd avec 3,7 kg et sa trajectoire est peu tendue.
 
En France, 
les succès de la Prusse contre l'Autriche, comme à Sadowa en 1866, sont attribués en grande partie à l'efficacité du fusil Dreyse. Il devient donc urgent d'adopter une arme basée sur les mêmes principes de fonctionnement. Ce sera le fusil modèle 1866 ou Chassepot, disposant lui aussi d'un percuteur à aiguille et d'une culasse mobile. Son canon rayé autorise une portée efficace jusqu'à 1200 mètres, grace à un ingénieux système d'obturation de la culasse basé sur l'utilisation d'une bague en caoutchouc. Pour la première fois en France l'infanterie dispose d'un fusil équipé d’une hausse graduée jusqu'à 1.200 mètres, bien qu'à cette distance, un coup au but relève du miracle. Sa cadence de tir est de 6 à 7 coups par minute et il pèse 4 kg. Sa précision est remarquable pour l'époque et la trajectoire du tir assez tendue. Le fusil Chassepot, nettement supérieur au Dreyse prussien, équipera l'armée française pendant la guerre de 1870.

Le Chassepot n'est pas dénuée de défauts. les cartouches combustibles qu'il utilise ne brulent que partiellement et les enrayages provoqués par l'accumulation de débris dans la chambre sont courants. Une solution pratique et pour le moins inhabituelle est alors trouvée par la troupe pour en débloquer le mécanisme en urinant directement sur l'arme.



L’armement de l’artillerie
 
En France, de 1815 à 1870, les progrès sont moins rapides pour l'armement d'artillerie que pour celui de l'infanterie. Si la rayure est adoptée simultanément pour le fusil et le canon, il n'en est pas de même pour le chargement par la culasse. Ce perfectionnement ne sera adopté 
pour l'artillerie qu'en 1873 avec le canon de Reffye. II en résultera en 1870 une infériorité marquée de l'artillerie française sur celle des Prussiens.
 
A partir de 1827, le système Valée apporte différents perfectionnements à l’artillerie lisse comme l'adoption du shrapnell en 1835 et la création d'une nouvelle bouche à feu, le canon obusier de 12, dit de Napoléon III en 1853.
 
Basé sur les expériences des guerres de l'Empire, le système Valée est une refonte du système Gribeauval. Il comprend des canons de 8 et de 12, analogues aux canons Gribeauval, des obusiers de 15 et de 16 cm et un matériel de montagne démontable, l'obusier de 12. Mais les qualités balistiques des matériels et des projectiles du système Valée sont sensiblement les mêmes que celles du précédant, tout comme la puissance et la portée.

La photo ci-contre, prise au musée de l'artillerie de Dragugnan, montre un obusier de 15 modèle 1830 du système Vallée. La pièce, mesurant 1,06 mètre de longueur pour un poids de 580 kg, possède une portée de 4200 mètres.
 
D'importantes innovations sont néanmoins apportées par le système Vallée. L
'adoption du mode d'attache à suspension utilisant une lunette et un crochet de cheville ouvrière accroissent considérablement la mobilité des pièces de campagne. Ce système assure l'indépendance des deux trains et accroît la mobilité en tout terrain. En 1829, l'aménagement des avant-trains pour le transport des servants permet de transformer une partie des batteries à pied en batteries hippomobiles, devenant ainsi presqu'aussi mobiles que les batteries à cheval. La flèche des pièces est en outre constituée d'une poutre amincie autorisant des virages plus faciles et l'accrochage rapide de l'affut à son avant-train. 
 
L'unité des matériels de campagne est réalisée en 1853 avec l'apparition du canon obusier de 12. Il peut tirer le boulet, la boite à balles, l’obus à balles ou le shrapnell et sa portée efficace est comprise entre 1000 et 1800 mètres. Le canon obusier de 12 reçoit le baptême du feu en Crimée en 1854, mais, déjà à cette époque, les artilleurs réclament des canons rayés.
 
Si l'artillerie de campagne lisse a fait des progrès en mobilité et en puissance, Il faut attendre l'adoption de la rayure pour accroître considérables la portée des pièces. Ce progrés notable sera accompagné simultanément par l'abandon des boulets pleins au profit des obus, déclinés en obus explosifs, à balles ou shrapnell, ou encore ceux composés de boites à mitraille.
 
L’artillerie française de la guerre de 1870 est constituée des matériels du système de la Hitte, datant de 1858 et composé de canons de 4 et de 12 et d'une pièce de montagne. Les tubes sont rayés, fabriqués en bronze et se chargent toujours par la bouche. Leur portée maximum efficace est de 2900 mètres pour le canon de 4 et de 3400 mètres pour le canon de 12 et leur cadence de tir est de 2 coups à la minute. Les projectiles usuels sont l'obus ordinaire, le shrapnell ainsi qu’une une boite à mitraille qui éclate à la sortie de la bouche projetant des balles jusqu'à 600 mètres.

La photo ci-contre présente le canon de 4 de montagne modèle 1859 du système de la Hitte exposé au musée de l'artillerie de Draguignan. Ses dimensions réduites avec une longueur de 0,805 mètre, sa capacité à être démontée en deux fardeaux et son faible poids, de 217 kg, permettent un déplacement aisé en terrain accidenté. La pièce tire à 2000 mètres des munitions explosives ou des boites à balles ou à mitraille, avec une cadence de deux coups par minute.

Le chargement par la bouche interdisant le forcement, la précision des pièces reste relative. En conséquence, les artilleurs français utilisent généralement leurs pièces pour des tirs fusant, les préférant au tir percutant. A partir de 1858, la fusée fusante réglable permet d'obtenir des éclatements réglables tous les 200 mètres, échelonnement suffisant en raison de la dispersion. Mais à partir de 1861, par une décision pour le moins critiquable, le général Leboeuf, jugeant que le nombre d'évents créait de grosses difficultés aux canonniers, les fait supprimer, à l'exception de ceux correspondant aux distances de 1500 et 2000 mètres. Cet emploi d'une fusée fusante limitée à deux durées sera l'une des causes principales de l'infériorité de l'artillerie française sur celle des Prussiens.

Mais la France dispose pour cette guerre d'un matériel précurseur avec le canon à balles de Reffye. Cette pièce, assimilable à une mitrailleuse, est adoptée à la veille de 1870. L’arme est composée d'un faisceau de 25 canons de fusils enveloppés d'une chemise de bronze. Les 25 cartouches de 13 mm, introduites simultanément grâce à un bloc de chargement, sont tirées successivement à l'aide d'une manivelle. Sa portée efficace est de 1500 mètres et il est possible de tirer 3 salves de 25 cartouches à la minute, équivalente à la puissance de feu d'une bonne dizaine de fusils d'infanterie. Mais son volume la rend très vulnérable aux coups de l'artillerie ennemie, et, faute d'expérience, cette mitrailleuse sera assez mal employée, car on l'utilisera souvent pour des tirs de front et non pour des tirs de flanquement.
 
De son coté, l’artillerie prussiène de la guerre de 1870 est équipée des canons Krupp de 4 et de 6, dont les tubes, en acier, sont équipés d'une culasse mobile. Leur cadence de tir est analogue à celle des pièces françaises et leur portée maximum comparable. Mais si leur mobilité est inférieure, leur précision de tir est nettement meilleure. Le chargement par la culasse permet en outre de mieux protéger les artilleurs du feu ennemi lors du rechargement des pièces.
 

 
Les progrès scientifiques et industriels
 
Le 19e siècle voit le début du prodigieux essor industriel qui révolutionnera les formes de la civilisation et les habitudes de vie. Ce développement industriel aura, dès ses débuts, de profondes répercussions sur l'armement des armées et d'une façon plus générale sur leurs moyens de combat.
 
Les progrès de l'industrie métallurgique, comme le four Ressemer de 1855, ou le four Siemens de 1858, autorisent le traitement de gros lingots d'acier et permettent l'apparition du canon en acier et de la culasse mobile.
 
Les découvertes de la chimie, également mises à profit, se matérialisent par les capsules au fulminate ainsi que par des progrès dans la fabrication des poudres. Ils permettent par exemple le chargement des obus, et la fabrication des fusées.
 
La navigation à vapeur est utilisée pour la première fois au transport de troupes pendant l'expédition de Crimée en 1854. C'est  également pendant cette campagne que le télégraphe électrique commence à être employé à des fins militaires. Son emploi se traduira d'ailleurs à cette époque par des ingérences néfastes des gouvernements français et anglais dans la conduite des opérations autour de Sébastopol, dont le siège est représenté ici par Félix Philippoteaux. C’est enfin au cours de la campagne d'Italie de 1859 que l'utilité des chemins de fer pour le transport et le ravitaillement des armées se manifeste. 


 
 
 



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